Déclaration du Sommet des dirigeants religieux de Cologne

Une participation juste : un appel venu de Cologne
Réunis ici, à Cologne, pour une Conférence des dirigeants religieux, à la veille du Sommet des G8 qui se tiendra dans la station balnéaire baltique de Heiligendamm, Allemagne, nous nous exprimons à titre de dirigeants religieux chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes, hindous, shintoïstes et autochtones provenant de communautés religieuses des pays du G8, depuis l’Afrique et les organismes religieux internationaux jusqu’aux chefs d’État du G8 et à tous ceux qui luttent pour l’éradication de la pauvreté dans le monde entier. La Conférence s’est penchée sur plusieurs des thèmes déjà abordés lors d’initiatives religieuses à l’occasion du G8 britannique de 2005 et du Sommet mondial des dirigeants religieux tenu lors du G8 russe de 2006. Nos traditions partagent toutes la croyance selon laquelle la dignité humaine et la justice sont des dons de Dieu. La foi juive est centrée sur la protection du pauvre, du faible, de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin, tandis que la foi chrétienne croit en la présence du Christ aux côtés de la personne pauvre, marginalisée et opprimée. La tradition islamique a pour grands principes éthiques l’égalité de tous les êtres humains et le souci de la justice. Dans la tradition hindoue, le concept de Sewa – rendre service à autrui sans rechercher de récompense – est perçu comme un devoir pour chacun. La philosophie éthique bouddhiste englobe une interrelation de toutes les entités qui mène à l’amour et à la compassion. Enfin, la foi shintoïste voit dans les humains des enfants du kami (Dieu) qui doivent leur vie à Dieu et à leurs ancêtres. C’est cette foi commune qui nous incite à briser les chaînes de la pauvreté. Nos communautés religieuses y parviennent en renforçant les valeurs de solidarité et de cohésion sociale de nos sociétés, en offrant l’éducation, les soins de santé et les services sociaux et autres et en parlant au nom des pauvres et des marginalisés. Nous constatons avec inquiétude que la justice et la dignité ne sont pas une réalité dans la vie de beaucoup de nos sŒurs et frères. Nous reconnaissons que les religions doivent collaborer davantage au bien-être de tous. Mais nous demandons aux chefs d’État et de gouvernement de créer des structures de participation et d’autonomisation permettant aux gens de faire des choix en vue de leur propre bien-être et de celui d’autrui. Les objectifs de développement du millénaire sont atteignables Tout comme en 2005 et en 2006, nous nous alarmons de la lenteur et de l’inégalité avec lesquelles on progresse vers l’atteinte des objectifs de développement du millénaire (ODM). L’année 2007 marque le point médian du processus des ODM. Le degré de pauvreté extrême dans notre monde est un véritable scandale. La crise de la pauvreté, y compris celle des pays du G8, n’est pas une notion abstraite. Elle représente des souffrances humaines réelles et demeure la plus grave dans la région subsaharienne où, malgré quelques succès tels que l’augmentation de la fréquentation des écoles élémentaires, la majorité des pays ne sont pas en voie d’atteindre les objectifs. L’augmentation de la migration de l’Afrique vers les pays du G8 et l’incapacité de ces derniers à apporter des solutions cohérentes et éthiques au problème dénotent par elles-mêmes le déséquilibre économique mondial entre les riches et les pauvres. Les Chefs d’État et de gouvernement reconnaissaient pourtant, en adoptant les ODM en 2000, qu’en plus de leurs responsabilités distinctes à l’égard de leurs propres sociétés, ils avaient collectivement celle de maintenir les principes de dignité humaine, de justice et d’équité à l’échelle mondiale, établissant le soulagement de la pauvreté comme objectif primordial de la coopération internationale. Nous accueillons avec satisfaction les démarches entreprises par la présidence actuelle du G8 afin d’encourager une meilleure intégration des économies du Sud dans le système de gouvernance mondiale démocratique. Ce qui nous préoccupe en revanche, c’est que sous la devise ” Croissance et responsabilité “, la présidence du G8 favorise des mécanismes à l’écoute du marché, mais accorde beaucoup moins d’importance à la responsabilité du G8 de favoriser des programmes clairs et cohérents d’éradication de la pauvreté axés sur le développement humain.

Repenser un modèle économique controversé : Le G8 semble préférer un modèle économique qui accorde la priorité à la croissance économique sans égard à son impact social et économique, réalité qui a contribué, même dans ses propres pays, à creuser le fossé entre riches et pauvres. Le G8 n’a pas su établir des cadres permettant de surveiller la responsabilité sociale et écologique des entreprises privées. Les ” Principes directeurs de l’Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) pour les entreprises internationales “, dont tous les pays du G8, sauf la Russie, sont membres, doivent être appuyés de mécanismes efficaces. Il faut inclure un volet de responsabilité éthique et un programme de développement convaincant dans les ” Accords de partenariat économique ” conclus entre l’Union européenne et les anciens États de l’Afrique, des Antilles et du Pacifique.
Renforcer la position de l’Afrique dans les relations internationales : Nous sommes heureux de voir que le G8 s’est engagé à soutenir le processus de réforme africain dans l’esprit de Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) en intensifiant son appui à la bonne gouvernance, à l’amélioration de la gestion financière et à une transparence accrue. Nous n’en sommes pas moins conscients de la position de faiblesse de l’Afrique au sein d’institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, dont les règlements font obstacle à la participation des pays africains à la prise de décision, même si leurs politiques et programmes ont un impact sur le développement social des pays africains. Cette conjoncture a souvent freiné l’élan vers l’atteinte des ODM. Nous proposons la création d’une tribune permanente du G8 et des États africains qui soit fondée sur le respect et la compréhension mutuels.
Renforcer la paix et la sécurité : On ne saurait atteindre les Objectifs de développement du millénaire en l’absence de paix et de sécurité. Il faut que le G8 aide l’Union africaine à bâtir des structure de sécurité africaines capables de résoudre les conflits endémiques tels que celui du Darfour. Cet appui ne doit pas être compromis par l’exportation d’armes par le G8 à des pays affectés par des conflits violents ni par ses ambitieux programmes de dépenses militaires. Nous sommes préoccupés par la détérioration des relations entre membres du G8 au sujet du projet de défense contre les missiles balistiques et craignons qu’un tel projet ne contribue à une course aux armements.
Tenir les promesses d’éradication de la pauvreté déjà faites par le G8 : Le G8 promettait, en 2005, d’augmenter annuellement l’aide de 50 millions de dollars avant 2010, la moitié de l’augmentation allant à l’Afrique. Elle convenait en outre d’annuler la dette des pays les plus pauvres envers la BM, le FMI et le Fonds de développement africain. Le G8 de 2005 se réengageait également à boucler le Cycle de Doha de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), favorable au développement, afin que les pays pauvres puissent profiter de l’économie mondiale. Ces promesses représentaient de substantiels engagements à l’égard de l’éradication de la pauvreté. Le bilan du G8 à cet égard s’est révélé jusqu’ici très décevant.
L’Aide publique au développement a connu une augmentation sensible par rapport à 2005, mais il arrive trop souvent que les données incluent de substantielles annulations de dettes, principalement pour l’Irak et le Nigeria. Il faut que les gouvernements du G8 cessent de comptabiliser en double les annulations de dette dans le cadre de leur budget d’aide et établissent des échéances fermes de respect de leurs promesses, principalement celles qui concernent les pays les moins développés. Nous saluons la décision, de la part de la présidence de l’Allemagne, de persuader ses partenaires du G8 de faire sa part du travail du Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et la malaria. Autre urgence : investir généreusement dans la recherche et le développement de médicaments contre la malaria et les autres maladies tropicales qui affectent en premier lieu les populations des pays du Sud mondial.
L’effacement de la dette a permis à bon nombre de pays de faire d’importants investissements dans les soins de santé et l’éducation. En revanche, l’Initiative pour les pays pauvres très endettés et l’Initiative multilatérale d’effacement des dettes se sont révélées incapables de résoudre intégralement le problème de la dette. Ces mécanismes ont souvent cré de nouveaux problèmes, certains des pays admissibles se voyant forcés de se plier à des politiques contraignantes. On n’a pas encore reconnu, par ailleurs, l’illégitimité de certaines dettes.
Le commerce international continue de poser des problèmes. La suspension indéfinie du ‘Cycle de développement’ de l’OMC a vu bien des pays africains privés d’un important moteur de changement économique et social. L’incapacité de résoudre les impasses commerciales montre bien la persistance des déséquilibres économiques structuraux entre pays riches et pays pauvres. Les pays riches refusent encore d’adopter des politiques favorables à l’agriculture à petite échelle du Sud mondial, qui souffrent alors de la concurrence inéquitable de l’agriculture fortement subventionnée des pays du Nord

Vers un nouveau cadre international de changement climatique. Le changement climatique est une réalité pour bien des populations qui habitent des régions où le climat est actuellement variable et/ou pour les communautés hautement vulnérables à des changements climatiques mineurs, qui peuvent produire des effets dévastateurs. Nous approuvons de tout cŒur la décision de la Présidence allemande de profiter du Sommet de Heiligendamm pour donner l’élan à un accord mondial sur la protection, qui entrerait en vigueur après 2012. À ce moment-ci, il subsiste un manque évident de volonté politique, un miasme d’intérêts nationaux et la crainte, chez les pays pauvres et en développement, de devoir renoncer à la perspective d’une croissance économique s’ils s’engagent à restreindre leurs émissions de CO2. Tout accord international sur le climat devra, pour être viable, être axé sur l’élaboration de mécanismes favorables au développement qui permettraient aux pays développés de financer des activités de développement propre dans les pays moins développés.

Un regard tourné vers l’avenir Étant donné toutes ces réalités et vu le commandement divin, donné à tous les peuples et à tout le monde habité, ainsi qu’aux systèmes, structures et relations de justice, d’équité de respect et de dignité humaine, c’est d’une voix unanime qu’à l’occasion de ce Sommet des dirigeants religieux, nous demandons aux chefs d’État et de Gouvernement du G8 et à tous les hommes et femmes de bonne volonté de travailler avec nous, avec une vigueur, un engagement et une créativité renouvelés, à l’atteinte des ODM et à la réalisation des promesses du G8 de 2005. Nous demandons que la qualité de vie de nos sŒurs et frères et de notre planète connaisse une amélioration perceptible. Nous plaidons pour l’avenir de la vie et réitérons notre engagement à son égard. Enfin, nous promettons de nous rencontrer de nouveau en 2008.

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