Réunion internationale du Panel de haut niveau sur les Objectifs du Millénaire pour le développement

La Rév. Karen Hamilton, secrétaire générale du CCE, fut récemment la première haute personnalité religieuse à être invitée à une réunion internationale du Panel de haut niveau sur les Objectifs du Millénaire pour le développement. Ce dernier avait pour but d’entendre les points de vue de la société civile sur les OMD, en prévision de leur atteinte prévue pour l’année 2015.
Lire ses réflexions sur le développement, le soin des vulnérables du monde et les relations mondiales, à l’occasion de cet important événement qui a eu lien à Londres.
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L’APRÈS-2015 : Les objectifs du Millénaire pour le développement, hier, aujourd’hui et demain.

Les augustes murs de la Royal Society de Londres, Angleterre, ont entendu les conversations profondes et passionnées de scientifiques du monde entier, mais le 2 novembre 2012, c’est d’un rassemblement d’un tout autre genre qu’ils ont été les hôtes.

Ce jour-là, en effet, ces murs ont résonné de paroles tout aussi profondes et passionnées sur la vie humaine et sur sa conduite, mais c’est sur les Objectifs du Millénaire pour le développement que s’est centrée la conversation du 2 novembre 2012.

C’est en 2000 que les Nations Unies ont émis la Déclaration du Millénaire, dans laquelle on a choisi huit objectifs, dont on a dressé une liste à part. Cette liste s’est trouvée depuis lors au centre de nombreuses stratégies nationales de développement et a constitué un centre d’intérêt et un cadre pour le soutien des donateurs. Chacun des OMD comporte des cibles précises qu’on s’est fixées pour objectif général d’atteindre en 2015, objectif qui changerait sensiblement la vie des habitants les plus vulnérables de la planète. Les gouvernements des pays du G8 et du G20 et, bien entendu, l’Assemblée générale des Nations Unies, également connus sous le nom de G192, ont fait des OMD et de leur proposition de réalisation une importante partie de leurs discussions, tandis les organismes non gouvernementaux de la société civile ont vigoureusement appelé et Œuvré à leur atteinte; on est loin, pourtant, d’avoir atteint respecté les échéances de réalisation des OMD fixées par les Nations Unies et par des pays à titre individuel, au point où on se demande sérieusement si on pourra atteindre les OMD d’ici à l’échéance de 2015.

Les Nations Unies ont donc cré un Panel de haut niveau ayant pour rôle d’entamer de sérieuses conversations avec divers secteurs de la société, d’entendre les préoccupations sur les priorités relatives aux OMD et sur ce qui pourrait et devrait s’ensuivre, puis de faire rapport au secrétaire général des Nations Unies.

C’est ainsi qu’en ce 2 novembre 2012, je me suis présentée à la Société royale comme seule dirigeante religieuse au monde à être choisie, à cette occasion, pour adresser la parole au Panel de haut niveau des Nations unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement. Grâce aux bons offices de l’ONG L’APRÈS-2015, basé à Bruxelles, trente d’entre nous ont été choisis pour adresser la parole au Panel de haut niveau. Venus de tous les coins du globe et d’un large éventail de la société civile, nous avions été choisis à cause de nos connaissances et de notre spécialisation dans les domaines névralgiques du développement, de la pauvreté, de la marginalisation et de la vulnérabilité, de notre aptitude à représenter les points de vue d’un large éventail d’intéressés et à en assumer la responsabilité, ainsi que de notre volonté et de notre capacité de nous engager aux niveaux national et régional.

On a réparti les 21 membres du Panel de haut niveau et les 30 représentants de la société civile mondiale en tables rondes, dont chacune se concentrerait sur une question particulière. Notre question, à la table ronde 5 : « Comment peut-on en arriver à promouvoir un développement inclusif? Quelles leçons a-t-on tirées de l’évaluation de l’impact des OMD? Comment empêcher l’ensemble des cibles nationales de masquer les résultats différenciés des OMD dans le cadre du développement de l’APRÈS-2015?

Au moment de prendre place à la table ronde 5 et avant la présentation de chacun et chacune, j’ai jeté un coup d’Œil à l’insigne d’identité de la personne à ma gauche, incontestablement un membre du Panel de haut niveau : Graca Machel, également connue comme la femme de Nelson Mandela. Les autres membres du Panel étaient Gunilla Carlsson, ministre des Affaires étrangères de la Suède, Sund-Huan Kim, ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud, et Heru Prasetyo, ministre du Développement de l’Indonésie.

Notre discussion a abordé un large éventail de questions, toutes reliées aux OMD et à ce qui pourrait et devrait se faire après 2015. Nous avons discuté de la définition de l’inégalité et de ses multiples dimensions; nous nous sommes concentrés sur l’inégalité des sexes et sur ses solutions possibles. Nous avons également discuté de la responsabilité mutuelle du Panel de haut niveau et de la société civile à l’égard de la formulation d’un nouveau cadre de développement.

En tant que participante de la société civile, j’ai eu l’occasion de parler directement aux membres du Panel de haut niveau dans le contexte de la table ronde 5. J’ai tâché de mettre à contribution la sagesse, l’expérience et les connaissances des OMD des communautés de foi, les mises au courant reçues, avant mon départ pour Londres, de la part du Conseil canadien des Églises et des organismes connexes, ainsi que les fruits de ma propre formation et de mes lectures sur les sujets abordés, tout cela en quelques minutes. J’ai parlé de l’économiste récipiendaire du Prix Nobel Amartya Sen et de sa conviction qu’il est essentiel de comprendre l’inégalité sous l’angle de la manière dont elle affecte la capacité des gens et leur liberté d’agir en leur nom propre et en celui de leurs familles et de leurs communautés. J’ai parlé de l’interrelation entre les situations de conflit dans le monde et le faible taux d’atteinte des OMD. La liste actuelle de 8 ne parle nulle part de conflit, et pourtant, c’est dans les endroits où il y a conflit que la réalisation des OMD laisse le plus à désirer. J’ai parlé des communautés de foi du monde, précisant que non seulement la plupart des humains sont des gens de foi, mais que ce sont trop souvent les communautés de foi qui sont locales, terre à terre, pour ainsi dire, dans les situations de pauvreté et de vulnérabilité. Ce sont elles qui contribuent à offrir les soins de santé et l’éducation. J’ai conclu en ajoutant que les ODM, sous leur format en huit brefs points, étaient une chose qui continue à être à la fois accessible et inspiratrice. Il faut trouver une façon de parler au monde des véhicules de guérison dans un langage compréhensible et pratique.

Ces observations ont toutes été accueillies très favorablement. La ministre des Affaires étrangères de Suède, Gunilla Carlsson, a confirmé d’emblée l’importance de faire partie intégrale de la discussion et du travail de la société civile relatifs au développement. Elle a parlé du besoin du partenariat des autorités religieuses, des médias et des affaires en tant que guides pour l’avenir. Ses commentaires, tout comme ceux d’autres participants, n’étaient cependant pas tous ‘repolis’; madame Carlson a ajouté que les communautés de foi n’avaient pas toujours aidé dans les domaines du développement et de la vulnérabilité, mais que leur fond de compassion, leurs réseaux et leur expertise faisaient d’eux des partenaires essentielles dans la conjoncture actuelle. Elle-même et d’autres membres du Panel de haut niveau ont prêté une oreille attentive à ce que j’avais à dire et à ce que les 29 autres représentants de la société avaient aussi à dire et ils nous ont répliqué par un défi. Ils nous ont rappelé que les divers secteurs et composantes de la société civile ont été et souvent demeurent très fragmentés, montrant une tendance à compartimenter et à se ‘cloîtrer’ dans leurs domaines de compétence particuliers. On nous a incités à mieux travailler ensemble pour l’amour des peuples de la terre.

La Table ronde 5 a également soulevé des questions telles que les multiples niveaux d’inégalité entre les régions rurales et urbaines qui affligent toutes les parties du monde. On a fait part du besoin de plus de données, plus particulièrement selon le sexe, pour être en mesure d’évaluer à quel point les problèmes d’inégalité affectent concrètement les femmes et les filles. On était aussi fermement d’avis que s’il y a eu progrès aux niveaux inférieurs du développement, il y en a eu bien peu aux niveaux supérieurs. On a constaté chez les filles, par exemple, une grande amélioration dans la fréquentation de l’école élémentaire en général, mais beaucoup moins dans celle de l’école secondaire et de l’université.

Les membres du Panel de haut niveau de l’ONU ont demandé instamment aux représentants de la société civile de leur faire part, lors de la rédaction de leur rapport, des affaires politiques particulières sur lesquelles il faudrait se pencher afin d’assurer le succès de l’image du cadre de développement post-2015. Ils ont aussi incité la société civile à ne pas se laisser décourager par la frustration suscitée par la lenteur des progrès accomplis dans le domaine du développement. On nous demande de faire montre à bon escient de la passion qui nous habite. Vibrantes d’émotion, les dernières interventions des membres du Panel de haut niveau 5 s’adressaient à la salle entière. En mettant sur pied un nouveau cadre de développement post-2015, les Nations Unies et la société civile doivent travailler ensemble à remonter la barre de la morale et de l’éthique. C’est là un commentaire chargé de sens dans le contexte d’une discussion de l’ONU. Cette dernière a tendance à se montrer hautement technique dans ses rapports et ses processus. Les représentants de l’ONU nous appellent eux-mêmes à revêtir d’une réalité morale et éthique un nouveau cadre de développement; l’engagement essentiel des communautés de foi ne saurait arriver en temps plus opportun.

À cette étape de la journée, la discussion en table ronde a pris fin et chacune des tables a fait rapport au groupe entier. J’ai eu le privilège d’être invitée à parler au nom de ma table ronde de ce qui va devenir un rapport printanier au secrétaire général des Nations Unies.

Ma journée ne s’est cependant pas terminée là; elle a plutôt pris fin de trois façons qui, à vrai dire, ne sont pas des conclusions mais des guides pour l’avenir.

D’abord, lorsque les six premières tables rondes ont été suivies d’un rapport plénier, l’animateur dans une salle, n’oubliez pas, où j’étais la seule autorité religieuse, mais où il y avait sans doute beaucoup de personnes de foi a parlé du récit biblique du retour d’exil du peuple d’Israël. Il a parlé de la reconstruction des murs de la cité et du Temple lui-même, ajoutant que lorsque la génération aînée vit les murs et le Temple rebâtis, ils pleurèrent. Il s’est demandé s’ils pleuraient parce qu’ils étaient déçus de la reconstruction ou parce qu’elle donnait tant à espérer, et quelle serait la réaction du monde entier, plus particulièrement des vulnérables, à la ‘reconstruction’ des objectifs de développement.

Deuxièmement, un événement a fait suite à la table ronde de l’après-midi du 2 novembre. Lors d’un rassemblement de type informel, on a invité 250 représentants d’organismes de la société civile, la plupart des Britanniques, à poser des questions et à faire part de leurs commentaires aux membres du Panel de haut niveau. Il s’est déployé beaucoup d’énergie dans la salle, où beaucoup de représentants tâchaient de réussir à poser leurs questions ou à exposer leurs points de vue dans le bref laps de temps imparti pour événement retransmis. Le côté décevant, et qu’on peut reprocher à la société civile, c’est que chacune des personnes qui ont eu la chance de parler n’a traité que des priorités de son propre organisme. Il en est résulté un immense éventail de priorités, mais on n’a laissé transparaître aucune manifestation d’engagement à Œuvrer en commun. Comment allons-nous nous rassembler afin que nos objectifs soient réalisables et ne représentent pas uniquement une pléthore d’affaires éparpillées?

Troisièmement, le mot de la fin de la journée et du présent article doit néanmoins me ramener là où j’avais commencé, soit à la présence hautement inspiratrice de Graca Machel. Elle a dit, chanté même, en termes poétiques, l’engagement du Panel de haut niveau des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement à

– extirper la pauvreté de nos temps

– extirper la pauvreté en tant qu’élément central de tout objectif de développement,

– partager la croyance selon laquelle TOUT être humain représente pour l’humanité entière un de ses meilleurs atouts.

Comment allons-nous dire et vivre ces mots, chanter de toutes nos vies cette chanson?

Rév. Karen Hamilton
Secrétaire générale
Conseil canadien des Églises

Membre du Comité exécutif international
Mouvement fédéraliste mondial

Prix du Mérite
Ordre de Saint-Lazare

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